J’ai toujours défendu l’idée que la Syrie était incontournable pour tout ce qui touche au Proche-Orient et, qui veut être utile à la paix dans cette région du monde, doit se pénétrer de cette idée.
N’en déplaise à Bernard Kouchner, dont ce n’est pas la première fois qu’il se prononce contre cette perspective, ignorant que la Constitution française prévoit que le ministre des Affaires étrangères de la République doit suivre les orientations du chef de l’Etat.
La Constitution n’a pas encore changé sur ce point du moins.
L’autre complication dans les rapports avec la Syrie venait également de la lointaine position du clan gaulliste – en la circonstance celle du président Jacques Chirac – après l’assassinat du Premier ministre du Liban, Rafic Hariri.
La France avait rompu les relations diplomatiques. Elles le sont toujours. Pas d’ambassadeurs dans nos deux capitales. Le doigt avait été pointé sur la Syrie comme auteur de cet assassinat.
Un procès international avait été annoncé. Un responsable avait été arrêté. Il s’agissait d’un militaire syrien, déserteur, condamné, récupéré en France où il se trouve toujours assigner à charge dans le procès. Mais, à l’examen, cet individu se révélait très peu fiable. Tout est tombé à l’eau.
La perspective du procès s’évanouissait. Le témoin apparaissait tel qu’il était et la France recevra le fils du « Syrien », président de la République de Syrie, comme disent les Libanais dans leurs conversations quotidiennes.
Le président Sarkozy devra résister aux suggestions, aux critiques, aux manœuvres, aux propos qui viendront de tous côtés et qui lui seront prodigués pour changer de direction.
Mais, il est heureux que ce mouvement se soit accompagné d’un changement d’opinion d’Israël qui a ouvert des négociations avec la Syrie également par Etat interposé (la Turquie).
Une fois encore, la France et l’Occident obéissent aux changements d’humeur de Tel-Aviv… En l’occurrence, cette circonstance est heureuse encore qu’apparaisse en toile de fond le désir de séparer la Syrie de l’Iran.
Peu importe, l’essentiel est là aujourd’hui, un bon contact avec la Syrie, une bonne reprise des négociations, un échange prochain des ambassadeurs peuvent inaugurer une politique nouvelle sans qu’il soit question de revenir au système du mandat de l’immédiat après-guerre de 1914-1918.
Et, l’invitation n’est pas modeste. Il s’agit d’obtenir du président de la Syrie sa participation à la conférence de l’Euroméditerranée et de faire qu’il accepte de participer au défilé de la fête nationale.
C’est une bonne chose pour la France. Elle possède en Syrie des intérêts culturels et économiques évidents. La Syrie a fait des gestes qui ont permis l’élection du président du Liban et qui devraient augurer d’autres mesures plus spectaculaires encore.
Que la France retrouve sa liberté de langage dans la région ne peut que nous réjouir car elle conduira à un développement des relations entre la France et la Syrie et à la reprise en main aussi de nos intérêts.
Bien d’autres événements en politique étrangère méritent de retenir l’attention : la paix en Côte d'Ivoire après quatre années de conflits et la présence de troupes françaises qui ont payé cher la période de pacification. Le refus de l’Irlande à l’Europe. Nous en parlerons.
Un article de Roland Dumas pour France Soir.