L'éditorial d'Yves Thréard du 13 janvier
Parce que la France compte 600 000 juifs et quelque 6 millions de musulmans, il faudrait qu'ils épousent, pour les premiers, la cause de l'État hébreu, pour les seconds, celle des Palestiniens. Comme s'il leur fallait être de l'un ou l'autre camp. Vision fausse, réductrice et absurde, qu'il convient de combattre sans répit.
Certes, d'importantes manifestations, surtout en faveur des Gazaouis, ont été organisées ces jours-ci. Mais elles ne résument pas l'état d'esprit majoritaire de ces Français - faut-il rappeler qu'ils portent cette nationalité ? - qui observent, non sans inquiétude, mais sans prendre parti, l'inextricable drame du Proche-Orient.
Aux pouvoirs publics, aux partis politiques, aux associations dites communautaires et aux médias d'assumer leurs responsabilités en conscience, pour éviter toute confusion des sentiments, des émotions, des opinions.
Car, chez quelques-uns, c'est vrai, là est l'occasion de cultiver un terreau de divisions pour réveiller de vieilles haines, contester l'ordre républicain ou favoriser le militantisme - l'obscurantisme - religieux.
Ceux qui servent ces desseins vont au-delà du débat de fond. On peut critiquer la politique du gouvernement israélien, les conditions de création de l'État hébreu, les méthodes d'action des Palestiniens, l'exploitation que telle ou telle organisation fait de la religion, l'attitude des autorités françaises.
On ne doit pas, en revanche, admettre que les mots perdent leur sens ou dépassent la raison. C'est le cas quand l'Union des organisations islamiques de France (UOIF) parle «d'un génocide sans précédent» à Gaza sur son site Internet. C'est le cas lorsque des dévots du Hezbollah ou du Hamas défilent dans Paris au cri de «Tremblez, juifs de France». C'est le cas quand des leaders d'extrême gauche distribuent des tracts pour évoquer un «nettoyage ethnique». C'est encore le cas lorsque des intellectuels décrivent un «holocauste» en Palestine. Même Rama Yade eût été bien inspirée en évitant la «martyrisation de Gaza».
Souvent, ces messages fleurent mauvais l'antisémitisme. Ils sont pourtant relayés par de nombreux médias, images à l'appui, sans autre forme de procès. Ils n'expliquent pas les attaques enregistrées ces derniers jours contre des synagogues ou des personnes mais encouragent n'importe quelle dérive. Il faut donc les condamner. Sans ajouter d'huile sur le feu, sans céder à la généralisation, comme le font parfois des représentants juifs. Car il convient de prendre ces slogans pour ce qu'ils sont : d'odieuses provocations et manipulations. Au Proche-Orient, il n'y a pas un camp du bien et un autre du mal. Mais, à Paris, la haine et le venin sont du côté des pseudo-pacifistes. Ne nous y trompons pas.